J.O. 75 du 31 mars 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Décision du 24 mars 2005 sur des requêtes présentées par M. Stéphane Hauchemaille et par M. Alain Meyet


NOR : CSCX0508243S



Le Conseil constitutionnel,

Vu 1° la requête, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 10 mars 2005, par laquelle M. Stéphane Hauchemaille, demeurant à Meulan (Yvelines), demande l'annulation du décret no 2005-218 du 9 mars 2005 décidant de soumettre un projet de loi au référendum ;

Vu 2° la requête, enregistrée comme ci-dessus le 18 mars 2005, par laquelle M. Alain Meyet, demeurant au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis), demande l'annulation partielle du décret no 2005-237 du 17 mars 2005 portant organisation du référendum et du décret no 2005-238 du 17 mars 2005 relatif à la campagne en vue du référendum ;

Vu 3° la requête, enregistrée comme ci-dessus le 21 mars 2005, par laquelle M. Hauchemaille demande l'annulation partielle du décret no 2005-237 du 17 mars 2005 portant organisation du référendum ;

Vu 4° la requête, enregistrée comme ci-dessus le 21 mars 2005, par laquelle M. Hauchemaille demande l'annulation partielle du décret no 2005-238 du 17 mars 2005 relatif à la campagne en vue du référendum ;

Vu les observations présentées par le Gouvernement sur les requêtes de M. Hauchemaille, enregistrées comme ci-dessus les 15 et 23 mars 2005 ;

Vu les mémoires ampliatif et complémentaire présentés par M. Meyet, enregistrés comme ci-dessus les 22 et 23 mars 2005 ;

Vu le mémoire complémentaire présenté par M. Hauchemaille, enregistré comme ci-dessus le 23 mars 2005 ;

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu le code pénal ;

Vu le décret no 92-770 du 6 août 1992 fixant les conditions d'application de la loi organique no 76-97 du 31 janvier 1976 au cas du vote des Français établis hors de France pour un référendum ;

Vu les décrets attaqués ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que, sur proposition du Gouvernement, le Président de la République a décidé, par le décret du 9 mars 2005 susvisé, de soumettre au référendum le projet de loi autorisant la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe signé le 29 octobre 2004 ; que l'organisation de ce référendum a fait l'objet du décret no 2005-237 du 17 mars 2005 et la campagne en vue du référendum du décret no 2005-238 du même jour ;

2. Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre ces décrets ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;



Sur la compétence du Conseil constitutionnel :

3. Considérant qu'en vertu de la mission générale de contrôle de la régularité des opérations référendaires qui lui est conférée par l'article 60 de la Constitution, il appartient au Conseil constitutionnel de statuer sur les requêtes mettant en cause la régularité d'opérations à venir dans les cas où l'irrecevabilité qui serait opposée à ces requêtes risquerait de compromettre gravement l'efficacité de son contrôle des opérations référendaires, vicierait le déroulement général du vote ou porterait atteinte au fonctionnement normal des pouvoirs publics ; que ces conditions sont réunies eu égard à la nature des actes attaqués ;

Sur le fond :

En ce qui concerne le décret décidant de soumettre un projet de loi au référendum :

4. Considérant que l'annulation du décret du 9 mars 2005 susvisé est demandée au motif que le projet de loi soumis au référendum par le Président de la République n'a pas été signé par le Premier ministre, n'a pas été déposé sur le bureau de l'une des deux assemblées du Parlement et n'a pas fait l'objet devant elles d'une déclaration suivie d'un débat ; que le traité, et donc le projet de loi autorisant sa ratification, seraient contraires à l'article 5 de la Charte de l'environnement de 2004 introduite dans la Constitution par la révision no 2005-205 du 1er mars 2005 ;

5. Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 11 de la Constitution : « Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions... peut soumettre au référendum tout projet de loi... tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. - Lorsque le référendum est organisé sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d'un débat » ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'article 11 de la Constitution que ce n'est qu'après que le Président de la République a décidé, par décret, de soumettre au référendum un projet de loi à la demande du Gouvernement que celui-ci doit faire devant chaque assemblée une déclaration suivie d'un débat ; qu'aucune disposition de la Constitution n'exige qu'un projet de loi soumis à un référendum soit signé par le Premier ministre et déposé sur le bureau de l'une des deux assemblées ;

7. Considérant, en second lieu, qu'en tout état de cause, le traité établissant une Constitution pour l'Europe n'est pas contraire à la Charte de l'environnement de 2004 ;

En ce qui concerne les deux autres décrets :

8. Considérant que si, aux termes du deuxième alinéa de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques... », c'est au pouvoir réglementaire, dès lors que manquent les dispositions législatives nécessaires, qu'il incombe de fixer les modalités d'exécution de la décision par laquelle le Président de la République, faisant usage de ses prérogatives constitutionnelles, soumet un texte au référendum en application des articles 11 ou 89, ou du titre XV de la Constitution ; qu'il appartient ainsi au pouvoir réglementaire de rendre applicables, avec les adaptations justifiées par ce type de consultation, les dispositions législatives et réglementaires régissant d'autres consultations électorales ;

Quant au décret no 2005-237 du 17 mars 2005 portant organisation du référendum :

9. Considérant que les requêtes présentent divers griefs à l'encontre de ce décret ; que, selon ces griefs, l'article 3 aurait dû prévoir l'envoi aux électeurs, par les soins de l'administration, non seulement du texte de loi qui leur est soumis et du traité annexé, mais encore des professions de foi des formations politiques habilitées à participer à la campagne ; que ce même article aurait dû fixer une date limite pour que les documents électoraux parviennent aux électeurs ; que l'article 8 aurait dû faire l'objet d'un avis du Conseil d'Etat en tant qu'il rend applicable au déroulement des opérations de vote l'article L. 61 du code électoral ; qu'il en serait de même de l'article 20 ; que ce même article aurait privé les électeurs du droit à un recours juridictionnel effectif ; qu'en abrogeant la référence à l'article L. 55 du code électoral faite par l'article 3 du décret du 6 août 1992 susvisé, le décret critiqué aurait violé un « principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel les consultations populaires ont lieu le dimanche » ;

10. Considérant, en premier lieu, que l'article 3 du décret contesté, aux termes duquel : « Le texte du projet de loi soumis au référendum et celui du traité qui lui est annexé sont imprimés et diffusés aux électeurs par les soins de l'administration, sous réserve des dispositions de l'article 2 du décret du 6 août 1992 susvisé », ne méconnaît ni les exigences de clarté et de loyauté des consultations référendaires, ni le principe d'égalité entre électeurs, ni les dispositions de l'article 4 de la Constitution aux termes desquelles : « Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage » ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 3 du décret critiqué n'avait pas à fixer expressément une date limite pour l'acheminement des documents électoraux, dès lors que les exigences constitutionnelles de clarté et de loyauté de la consultation imposent par elles-mêmes à l'administration de mettre en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour faire en sorte que les électeurs puissent en prendre utilement connaissance avant le scrutin ;

12. Considérant, en troisième lieu, que l'article 8 du décret contesté se borne à rendre applicable l'article L. 61 du code électoral qui ne détermine, par lui-même, aucune peine contraventionnelle ; qu'il ne relève donc pas de la catégorie des dispositions qui doivent être prises par décret en Conseil d'Etat en vertu de l'article R. 610-1 du code pénal ;

13. Considérant, en quatrième lieu, que l'article 20 du décret contesté se borne à reprendre les termes de l'article 1er du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les réclamations relatives aux opérations de référendum, pris sur le fondement de l'article 56 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée ; que, dès lors, les griefs dirigés contre cet article sont inopérants ;

14. Considérant, en cinquième lieu, que n'existe aucun principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel les élections doivent avoir lieu le dimanche ;

Quant au décret no 2005-238 du 17 mars 2005 relatif à la campagne en vue du référendum :

15. Considérant que divers griefs sont présentés à l'encontre de ce décret ; que, selon ces griefs, l'article 1er, qui fixe la clôture de la campagne en vue du référendum au samedi 28 mai 2005 à minuit, serait en contradiction avec l'article L. 49 du code électoral, rendu par ailleurs applicable à la consultation en cause par l'article 2 de ce décret ; que serait contraire aux principes d'égalité et d'indivisibilité de la République, énoncés par l'article 1er de la Constitution, la loi locale du 10 juillet 1906, applicable en Alsace-Moselle ; que serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation l'article 2 du décret critiqué en tant qu'il ne fait entrer en vigueur les interdictions édictées par certains articles du code électoral qu'à compter du 9 mai 2005 à zéro heure ; que les articles 2 et 4 auraient dû faire l'objet d'un avis du Conseil d'Etat en tant qu'ils rendent applicables à la campagne référendaire les articles L. 50 et R. 27 du code électoral ; qu'aurait dû être inscrite en loi de finances la charge résultant pour l'Etat de l'aide apportée, en vertu des articles 8 à 10 du décret attaqué, aux formations politiques habilitées à participer à la campagne en vue du référendum ; que, subsidiairement, le décret aurait dû instituer un plafond de dépenses, comme dans le droit commun de l'aide financière publique aux campagnes électorales ; qu'enfin, la mission attribuée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques par les articles 8 à 10 du décret empiéterait sur les prérogatives confiées au Conseil constitutionnel par l'article 60 de la Constitution ;

16. Considérant, en premier lieu, que ne sont contraires à aucune règle ni à aucun principe de valeur constitutionnelle, et ne sont pas non plus entachées d'erreur manifeste dans l'adaptation au référendum des règles du droit commun électoral, les dispositions de l'article 1er du décret contesté qui, sauf disposition contraire applicable à certaines formes de propagande en vertu d'autres articles dudit décret, fixent la clôture de la campagne la veille du scrutin à minuit ; qu'il en est de même des dispositions de l'article 2 qui font entrer en vigueur les interdictions édictées par l'article L. 50-1, le troisième alinéa de l'article L. 51 et le premier alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral à compter du 9 mai 2005 à zéro heure ; qu'en l'absence de dispositions législatives applicables en la matière, le pouvoir réglementaire a institué une aide publique aux formations politiques habilitées à participer à la campagne en vue du référendum ; qu'il n'était pas tenu, ce faisant, de transposer l'intégralité des règles régissant les autres consultations électorales, en particulier le plafonnement des dépenses ;

17. Considérant, en deuxième lieu, que les articles 2 et 4 du décret contesté se bornent à rendre applicables les articles L. 50 et R. 27 du code électoral qui ne déterminent, par eux-mêmes, aucune peine contraventionnelle ; qu'ils ne relèvent donc pas de la catégorie des dispositions qui doivent être prises par décret en Conseil d'Etat en vertu de l'article R. 610-1 du code pénal ;

18. Considérant, en troisième lieu, que l'article 60 de la Constitution, aux termes duquel : « Le Conseil constitutionnel veille à la régularité des opérations de référendum prévues aux articles 11 et 89 et au titre XV. Il en proclame les résultats », ne fait pas obstacle à ce que le contrôle de la justification des dépenses exposées par les formations habilitées, ainsi que le calcul de la somme qui leur sera remboursée par l'Etat, soient confiés à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques instituée par l'article L. 52-14 du code électoral ;

19. Considérant, en quatrième lieu, que le décret attaqué n'a pas pour objet, et ne saurait avoir pour effet, de majorer les crédits votés par le Parlement dans le cadre de la loi de finances pour 2005 ; que la dépense résultant, pour l'Etat, de l'application des articles 8 à 10 du décret attaqué s'imputera sur les crédits fixés par la loi de finances initiale pour 2005, le cas échéant modifiés par une loi de finances rectificative ; que, dès lors, le grief tiré de ce que le décret critiqué aurait empiété sur le domaine réservé aux lois de finances doit être rejeté ;

20. Considérant, en dernier lieu, qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, se prononçant, comme en l'espèce, en application de l'article 60 et non de l'article 61 de la Constitution, d'apprécier la constitutionnalité des dispositions législatives mises en cause ;

21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requêtes susvisées doivent être rejetées,

Décide :


Article 1


Les requêtes de M. Stéphane Hauchemaille et de M. Alain Meyet sont rejetées.

Article 2


La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mars 2005, où siégeaient : M. Pierre Mazeaud, président, MM. Jean-Claude Colliard et Olivier Dutheillet de Lamothe, Mme Jacqueline de Guillenchmidt, MM. Pierre Joxe et Jean-Louis Pezant, Mme Dominique Schnapper, M. Pierre Steinmetz et Mme Simone Veil.


Le président,

Pierre Mazeaud